5. Méthodes#
Que ce soit pour les macro- ou les microplastiques, les méthodes de prélèvements et d’analyses ont été développées puis testées et validées par l’ASL. Elles sont majoritairement compatibles avec les protocoles scientifiques utilisés par les différentes études ayant traité de la même thématique en Europe (Gerdts, 2019) et au niveau helvétique (OFEV, 2021),(Swiss Litter Report, 2018). La méthodologie appliquée ici aux macroplastiques se démarque des autres études par la prise en compte du mètre carré comme unité de référence par rapport à d’autres études qui se basent sur le mètre linéaire de ligne d’eau. Ce choix a été effectué afin de pouvoir comparer les abondances par unité de surface entre les microplastiques et les macroplastiques. La méthodologie de prélèvements et d’analyses pour les microplastiques a été testée et choisie pour être compatible avec les protocoles d’autres études européennes aux fins de comparaison (Faure et al., 2018), (Frei et al, 2022). Les méthodes ont été validées par le groupe de travail « Pla’stock » de l’ASL et le Conseil scientifique de la CIPEL.
5.1. Zone d’étude#
Sur la base du périmètre défini par la CIPEL, les 200 km de rives du Léman ont été découpés en 25 tronçons de longueur équivalente. Une plage a été choisie dans chacun de ces secteurs selon ses caractéristiques (type de substrat, fréquentation, degré d’urbanisation des alentours) et la diversité des milieux qui la constituent, et ce, afin d’obtenir un échantillonnage représentatif de la réalité. Une partie des plages correspond à celles inventoriées dans le cadre de l’étude IQAASL (OFEV, 2021).
Le choix s’est porté sur neuf grandes plages de plus de 80 m de long, neuf de 50 à 80 m et sept de 15 à 50 m. Les surfaces inventoriées varient entre 16 m² pour la plus petite et près de 2000 m² pour la plus grande. Au total, ce sont quatre plages de moins de 100 m², 15 de 100 à 500 m², cinq de 500 à 1100 m² et une de 1980 m² qui ont été investiguées. De plus, une attention particulière a été portée au substrat afin d’avoir une bonne répartition entre les plages de sable, de graviers et de galets. La séparation entre les différents substrats a été effectuée à l’œil en fonction de la granulométrie moyenne de la plage.
Chaque plage comprend deux sous-secteurs :
la ligne d’eau (interface terre-eau + deux mètres de plage)
la plage sèche
A noter que la ligne d’eau se déplace au fil de l’année et des variations du niveau du lac.
5.2. Récolte, extraction et identification des microplastiques#
5.2.1. Echantillonnage microplastique (300 µm à 5 mm)#
Les microplastiques, définis comme étant de taille inférieure à 5mm, ont été prélevés et analysés par les collaborateurs et collaboratrices de l’ASL ainsi que par les deux étudiantes de Master de l’UniGE. Un troisième travail de master en cours étudie les courants qui peuvent influencer le degré d’accumulation de microplastiques sur les plages.
La stratégie d’échantillonnage est inspirée de celle de Gerdts (Gerdts, 2019). Sur chaque plage, une carotte de substrat est prélevée de manière aléatoire tous les 45 m² en moyenne à l’aide d’un profilé en métal de 10 cm de côté sur une profondeur de 5 cm (Figure 5). Cette profondeur correspond à celle utilisée dans le cadre d’études similaires (Faure et al., 2018), (Imhof et al., 2018), (Zbyszewski et al., 2014). Bien que concernant une unité de volume, il est usuel d’exprimer les résultats par surface. La méthode de prélèvement avec un profilé est adaptée de Bridson, (Bridson et al., 2020). La taille des carottes de 50 X 50 cm a été réduite à 10 X 10 cm afin de pouvoir augmenter le nombre d’échantillons analysés. La position géographique de chaque carotte est relevée au moyen d’un GPS. Les carottes sont transférées dans des boîtes de transport en verre et stockées à l’UNIGE en chambre froide à 4° C.
Les boîtes sont étiquetés de la manière suivante :
Pays ;
Région ;
n° de station ;
n° d’échantillon.
Les numéros d’échantillons sont définis de l’amont vers l’aval. Exemple: Baby Plage à Genève : CH GE 01.1; CH GE 01.2 ; CH GE 01.3 ;…
Au total, 235 échantillons de 500 cm3 ont ainsi été prélevés en novembre 2021. Dans le cadre de l’étude, seuls 217 échantillons ont été traités et comptabilisés. 18 sont conservés à l’Université de Genève en vue de futures études.
5.2.2. Extraction et comptabilisation des microplastiques#
La manipulation des échantillons est effectuée dans de la verrerie rincée à l’eau ultrapure afin d’éviter toute nouvelle contamination par des plastiques (Bouzid et al., 2022). Dans un premier temps, les échantillons sont séchés dans un four à 60 °C. Les plastiques sont ensuite extraits par flottaisons dans une solution de Iodure de Sodium (NaI) à une densité de 1,7. Après 48 heures d’immersion, le surnageant est déposé sur des filtres en nitrate de cellulose d’une maille de 300 μm, puis placé dans une boîte en verre. Le matériel est constamment couvert d’une feuille d’aluminium pour éviter les contaminations. Les échantillons sont ensuite comptabilisés dans les locaux de l’ASL sous une cloche de plexiglas.
L’identification des microplastiques se fait à l’aide d’une loupe binoculaire au grossissement 40x en respectant les trois règles définies par (Hidalgo-Ruz et al., 2012). A savoir :
il ne doit pas y avoir de cellules ou de structures organiques visibles
pour les fibres, l’épaisseur doit être constante sur toute la longueur (sous réserve de présence de matière organique)
la coloration doit être homogène.
Selon ces recommandations, les particules comptabilisées ont été réparties en trois grands groupes :
les fibres
les particules souples (film, mousses)
les particules dures (billes, fragments).
5.2.3. Limite de l’approche méthodologique#
Lors du traitement des échantillons à l’Université de Genève, de leur transport et de la comptabilisation à l’ASL des contaminations (au cours des manipulations en laboratoire, aériennes, liées à l’outillage, les vêtements…) peuvent intervenir. Des blancs de laboratoires ont donc été effectués (Tableau 5.1) en reproduisant toutes les étapes allant du traitement de l’échantillon avec le NaI à la comptabilisation aux locaux de l’ASL.
Tableau 5.1 : Blancs de laboratoire effectués à l’UNIGE avec comptabilisation à l’ASL
Blancs |
Fibres transparentes |
Fibres noires |
Fibres bleues |
Fibres rouges |
---|---|---|---|---|
Blanc 1 |
15 |
4 |
0 |
2 |
Blanc 2 |
39 |
7 |
4 |
0 |
Blanc 3 |
4 |
5 |
5 |
0 |
A noter que seules des fibres ont été retrouvées dans les blancs. Ces résultats ne sont pas surprenants au vu des risques de contamination aérienne. Avec une moyenne de 28 particules, comparée aux 189 particules comptabilisées en moyenne dans les échantillons, on peut considérer que la contamination est plutôt faible. Ces blancs ne sont pas soustraits des comptabilisations effectuées.
5.3. Récolte, extraction et identification des macroplastiques#
Un macroplastique est défini le plus souvent par la norme internationale comme étant un objet ou un fragment plastique plus grand que 5 mm. Pour autant, dans le cadre de cette étude, le terme macroplastique sera utilisé pour l’ensemble des plastiques visibles à l’œil nu. Il comprend donc également les “grands” microplastiques entre 2 et 5 mm. La récolte et le recensement des macroplastiques ont été confiés à des personnes de la société civile, qui se sont spontanément inscrites pour se livrer à cette expérience de science participative. Une centaine de bénévoles très motivés ont ainsi appliqué un protocole scientifique précis sur les plages sélectionnées par l’ASL en respectant une surface et un temps de travail donné (30 secondes d’observation par m²) (Tableau 2). Cette précision est nécessaire pour limiter le biais induit par le grand nombre d’observateurs et d’observatrices.
Tableau 5.2 : Nombre de bénévoles mobilisés par plage et temps d’échantillonnage par secteurs.
Surface plage m² | Nombre de bénévoles | Temps total échantillonnage Ligne d'eau (min) | Temps total échantillonnage Plage sèche (min) | |
---|---|---|---|---|
Amphion | 436 | 4 | 49 | 169 |
Anthy-Séchex | 245 | 2 | 28 | 95 |
Aubonne | 375 | 4 | 40 | 148 |
Baby plage | 513 | 5 | 58 | 199 |
Bouveret | 538 | 5 | 50 | 219 |
Clarens | 312 | 3 | 31 | 125 |
Crans | 11 | 1 | 6 | - |
Cully | 61 | 1 | 7 | 24 |
Embouchure Versoix | 166 | 2 | 18 | 65 |
Excenevex | 1977 | 17 | 87 | 901 |
Gland | 31 | 1 | 8 | 8 |
Grangettes | 321 | 3 | 37 | 123 |
Hermance | 383 | 4 | 54 | 137 |
Lugrin | 227 | 2 | 35 | 78 |
Lutry | 325 | 3 | 40 | 122 |
Meillerie | 14 | 1 | 7 | - |
Pichette | 235 | 2 | 21 | 97 |
Port choiseul | 437 | 4 | 72 | 146 |
Préverenges | 1123 | 10 | 76 | 486 |
Rolle | 954 | 8 | 62 | 415 |
Saint-disdille | 270 | 3 | 30 | 105 |
Savonnière | 401 | 4 | 40 | 160 |
Tolochenaz | 144 | 2 | 29 | 43 |
Tougues | 536 | 5 | 46 | 222 |
Vidy | 545 | 5 | 49 | 223 |
Le nombre d’intervenants, le secteur et le temps d’intervention doivent être rigoureusement respectés. En outre, la récolte des plus petits éléments (2 à 5 mm) demande une attention toute particulière.
Le protocole de collecte et de saisie a été établi d’après les référentiels du Guide sur la surveillance des déchets marins dans les mers européennes publié par la Commission européenne en 2013 (Hanke et al., 2013). Son application permet de comparer les résultats obtenus sur les rives du Léman avec les autres études effectuées aux niveaux national et européen.
Le nombre de bénévoles envoyé sur chaque plage est proportionnel à sa taille. Des responsables ont été nommés pour chacune sur la base du volontariat et se sont portés garants de la bonne application du protocole et donc de la robustesse des résultats. Au nombre de 33, ils ont été formés à l’encadrement du travail de terrain ainsi qu’à la méthode de tri et dénombrement des récoltes qu’ils ont effectués à leur domicile. Les plages sélectionnées dans le cadre de l’étude étant toutes des plages publiques, les grands macroplastiques (bouteilles, jouets de sables…) sont régulièrement ramassés par les services communaux.
5.3.1. Echantillonnage macroplastique (> 2 mm)#
La personne responsable de secteur accueille les bénévoles et leur transmet les informations sur le secteur à inventorier. Les macroplastiques récoltés dans les sous-secteurs (ligne d’eau et plage sèche) sont triés et comptabilisés séparément.
La collecte des éléments de macroplastique a lieu sur la surface de plage prédéterminée au moyen d’un seau par bénévole ou de deux boîtes en plastique par personne responsable (Figure 7). Plus précisément il s’agit de récolter les objets et fragments déposés sur le sol, sans creuser, sur chacun des deux sous-secteurs :
Ligne d’eau : à partir de la limite eau/sol, une largeur de plage adjacente de 2 m de part et d’autre
Plage sèche : le reste de la plage
La collecte est exécutée par chaque groupe de bénévoles à une vitesse de 30 sec/m² sur l’ensemble du secteur (rythme lent permettant la récolte de très petits éléments). Cela signifie, par exemple, qu’une plage de 240 m², implique un travail de collecte de 2 heures, soit 30 minutes par personne pour un groupe de 4 bénévoles.
Chaque groupe de bénévoles se rend sur la plage qui lui est assignée une fois par saison durant une année. Les passages ont ainsi eu lieu en février-mars, avril-mai, juillet-août et octobre-novembre.
5.3.2. Tri et comptabilisation des macroplastiques#
Les plastiques récoltés sont réunis par sous-secteur et triés (Figure 8) selon la nomenclature reconnue au niveau européen (Hanke et al., 2013) présentée aux responsables lors des soirées de formation puis comptabilisés. Les données sont saisies dans l’application Net’Léman (netleman.app) de l’ASL qui permet de centraliser les données aux fins d’analyse. Les données ont ensuite été vérifiées, puis analysées en vue de déterminer les proportions des différents types de plastique.
5.3.3. Limite de l’approche méthodologique#
La récolte des macroplastiques et leur identification étant à la charge des bénévoles, un certain biais observateur peut interférer dans les mesures. La communication entre les bénévoles et les experts doit être très régulière.