7. Discussion#

7.1. Microplastiques#

Sur l’ensemble des 25 plages étudiées, les résultats obtenus montrent une conentration moyenne en microplastiques de 17’500 ± 19’100 par m². Ce chiffre, issu des comptabilisations effectuées à la loupe binoculaire, peut être pondéré en se basant sur une étude réalisée en Méditerranée. En effet (Constant et al., 2019), ont déterminé des pourcentages d’identification des différentes particules. Les fibres y sont identifiées comme étant bien du plastique dans 37% des cas, les fragments 50%, les mousses 81% et les films 67%. En appliquant cette pondération aux données du projet Pla’stock, la contamination estimée en plastique serait de 7’600 ± 8’300 particules par m².

Le Tableau 10 ci-dessous, montre que les concentrations pondérées dans le cadre de l’étude Pla’stock (7’600 ± 8’300 particules/m²) sont plus de trois fois supérieures à la moyenne mesurée en 2014 sur le Léman et les autres lacs suisses. Ceci confirme les observations faites par Frei et al., (Frei et al., 2021), sur le lac de Lugano. Il aurait été intéressant d’avoir un état des lieux en 2014 de la pollution plastique sur les plages du lac de Lugano afin de comparer l’évolution entre les deux lacs.

La comparaison avec une étude réalisée en 2019 en Méditerranée, sur quatre plages du Golfe du Lion, est encore plus flagrante (Constant et al., 2019). Contrairement aux autres résultats des autres études (Frei et al., 2021), (Faure et al., 2018), (Constant et al., 2019), les particules comptabilisées dans le cadre de la présente étude n’ont pas été caractérisées mais la valeur pondérée permet d’obtenir une concentration probable de particules de plastique et une meilleure comparaison avec d’autres études. La valeur non pondérée constitue la valeur maximale de particules de plastique dans les échantillons.

Les méthodes de prélèvements sont similaires dans les différentes études. En revanche la taille des échantillons varie. Constant et al. et Faure et al. ont effectué des carottages de 0,5 x 0,5 m contre 0,1 x 0,1 m pour l’étude de Frei et al. et l’étude Pla’stock. Cette nouvelle taille semble devenir la norme pour les échantillonnages de microplastiques sur les plages.

Tableau 7.1 : Comparaison avec d’autres études ayant comptabilisé des microplastiques sur les plages (particules/m²).

summary litter density

Ce n’est pas une surprise de constater une augmentation des concentrations en microplastiques depuis 2014. Cette évolution peut s’expliquer par l’augmentation de la production mondiale de plastique, la fragmentation des déchets déjà présents dans le Léman ou encore par la consommation textile.

7.2. Macroplastiques#

Sur les 25 plages étudiées par l’étude Pla’stock, la moyenne est de 3,42 ± 3,66 pièces par mètre linéaire. Ce résultat suggère que les quantités de certains déchets sauvages sont en baisse par rapport aux sessions d’échantillonnage précédentes sur les plages du Léman (Tableau 7.2). Le projet IQAASL (OFEV) est le plus similaire à l’étude Pla’stock. Les différences sont la supervision des bénévoles, le nombre de passages et le nombre de plages suivies. Dans le cadre de l’étude Pla’stock, les responsables de secteur ont reçu une formation théorique pour réaliser les inventaires alors que dans celui d’IQAASL, les bénévoles étaient accompagnés sur les plages. Les autres projets mentionnés ne sont pas des études à large échelle. Il s’agit plutôt de collectes spontanées par des groupes sur un nombre restreint de secteur. Pla’stock est la première étude à avoir analysé tant des plages suisses que françaises.

Dans l’ensemble, cette étude fait état d’une valeur médiane de 2 pièces/mètre linéaire contre 3,7 à 4,4 dans le passé. Cette réduction est conforme aux conclusions de 2020 – 2021 combinant les résultats du suivi par SLR et de l’étude IQAASL.

Tableau 7.2 : Comparaison des résultats des campagnes de collecte de déchets sauvages au bord du Léman entre 2016 et 2022 (nombre de déchets par mètre de rivage, nombre d’échantillons et nombre total de déchets récoltés). La récolte de 2021 correspond à l’étude IQAASL (OFEV, 2021). Les campagnes de 2016 et de 2018 ont été menées respectivement par hammerdirt (hammerdirt) et par STOPPP le (Swiss Litter Report).

  2015 - 2016 2017 - 2018 2020 - 2021 Pla'stock
Min 0,38 0,05 0,16 0,10
25% 2,50 1,36 1,81 0,78
50% 4,39 4,40 3,73 2,00
75% 8,16 8,42 7,29 4,57
Max 47,37 37,59 59,99 18,26
Moyenne 7,51 6,56 7,21 3,42
Écart-type 8,75 7,76 10,47 3,66
Échantillons 91 44 93 98
Total 28'645 8'864 21'839 27'493

Les déchets dont la concentration sur les plages a le plus fortement diminué sont ceux liés à la consommation personnelle (mégots de cigarettes, emballages de snacks et bouchons de bouteilles en plastique). La diminution marquée de la densité des cotons-tiges en plastique (0,03 pièce/mètre dans le cadre de l’étude Pla’stock contre 0,13 pièce/mètre lors de l’étude IQAASL pourrait être attribuée à l’interdiction de la vente de ces articles en France.

7.3. Stock de plastiques sur les plages du Léman#

En vue de l’extrapolation des résultats de notre étude à l’ensemble des plages du Léman, la superficie des plages publiques a été estimée sur la base d’orthophotos et en se référant à la liste des plages de la CIPEL. Cette liste a été adaptée, certaines plages ayant été éliminées car ce sont uniquement des espaces de baignade dépourvus de grèves “naturelles” (enrochements, dalles en pierres ou en béton, etc.). Trois autres plages ont en revanche été incluses dans l’étude. Il s’agit d’une plage semi-privée à Crans (VD), de la plage de la Pichette sur la commune de Corseaux et de la plage de l’Empereur à Noville (Grangettes). Au total, la superficie des 90 plages retenues correspond à 68’400 m² pour un linéaire de 12’700 m. Selon cette estimation, la contamination plastique s’élève à 519’840’000 ± 567’720’000 particules sur les plages du Léman, basée sur la moyenne pondérée et 1’197’000’000 ± 1’306’400’000 sans pondération.

Pour les macroplastiques, sur les 12’700 m de plages publiques, en transposant la moyenne de 3,42 ± 3,66 pièces par mètre recensées dans le cadre du projet Pla’stock, il y aurait 43’400 ± 46’500 morceaux de plastiques sur les plages publiques du Léman.

7.4. Prédictions des abondances#

7.4.1. Prédiction avec modèle de la grille Bayésienne#

La méthode de la grille Bayésienne estime les paramètres en divisant l’espace des paramètres en points, calculant les chances de chaque point sur une grille, et les combinant avec des estimations antérieures pour obtenir des estimations finales. Elle aide à estimer les paramètres et leur incertitude, mais peut être complexe à calculer.

7.4.2. Microplastiques#

Les prédictions des abondances de microplastiques sur les plages du Léman permettent de visualiser ce qui est censé être réellement présent sur les plages en fonction des échantillonnages réalisés en 2021 dans le cadre de cette étude. Dans un premier temps, la prédiction d’abondance a été effectuée pour l’ensemble des plages, toutes conditions confondues (Figure 18).

Tableau 7.3 : Prédiction d’abondance par approximation Bayésienne

Toutes les conditions
  observée prédiction
1% 23.22 3.00
25% 71.75 38.75
50% 125.50 113.50
75% 201.75 259.75
99% 1011.71 1031.66
Moyenne 175.74 200.57

Distribution of predicted versus observed, all data

Les substrats ont été regroupés en deux catégories. Les sables comprennent les sables fins et grossiers. Les graviers comprennent les graviers et les cailloux. Les futurs relevés permettront d’alimenter le modèle de prédiction et d’en augmenter la robustesse. A ce stade, la prédiction indique qu’en allant se promener sur une plage de sable, nous trouverons en moyenne 200 particules de plastiques (valeur non pondérée), avec 99% des échantillons contenant moins de 1031 particules par échantillons de 100 cm². En s’intéressant à la distinction entre les types de substrats, il est prévisible de trouver en moyenne plus de particules sur les plages dont le substrat est grossier (graviers et cailloux) que sur celles qui sont de sable. La dispersion des mesures est très grande sur les plages de graviers/galets avec des abondances pouvant varier de 1 à 1446 particules/100 cm² dans 99% des cas. A noter que les prédictions prévoient une différence entre les substrats sableux et les substrats grossiers moindre que celle mesurée in situ (Tableau 7.3).

Tableau 7.3 et figure 7.2 : Prédiction d’abondance en nombre de particules/100 cm² sur les substrats sableux.

Sable
  observée prédiction
1% 23.76 2.99
25% 84.50 38.00
50% 136.00 80.00
75% 212.00 210.75
99% 812.94 663.40
Moyenne 177.16 162.64

Distribution of predicted versus observed, sandy beaches

Tableau 7.4 et figure 7.3 : Prédiction d’abondance en nombre de particules/100 cm² sur les plages de graviers.

Graviers
  observée prédiction
1% 24.32 0.00
25% 62.00 69.25
50% 90.00 155.50
75% 182.00 396.00
99% 1192.48 887.96
Moyenne 173.03 250.01

Distribution of predicted versus observed, sandy beaches

Sur la base des différentes sessions d’échantillonnage de ces dernières années, il est possible de prédire les abondances de microplastiques qui seront retrouvées sur les plages du Léman en 2024. Les substrats ont été regroupés en deux catégories. Les sables comprennent les sables fins et grossiers et les graviers comprennent les graviers et les cailloux. Les futurs relevés permettront d’alimenter le modèle de prédiction. A ce stade, la prédiction indique qu’en allant se promener sur une plage de sable, nous trouverons en moyenne 188 particules de plastiques, avec la possibilité d’avoir des contaminations extrêmes jusqu’à 879 particules par échantillons de 100 cm².

7.4.3. Macroplastiques#

Sur la base des différentes sessions d’échantillonnage de ces dernières années, il est possible de prédire les abondances de macroplastiques qui seront retrouvées sur les plages du Léman en 2024. Le but est de pouvoir combiner, au sein de ce modèle, les données récoltées dans le cadre de Pla’stock et celles issues d’études plus anciennes. De cette manière, il sera possible de connaître la quantité et le type de plastiques qui seront trouvés en allant se promener sur une plage donnée. La prédiction se base uniquement sur les collectes effectuées et ne prend pas en compte les ramassages effectués par les voiries. (Analyse et inference)

Tableau 7.5 : Prédiction d’abondance en nombre de pièces de macroplastiques par mètre linéaire.

  moyenne écart-type min 25% 50% 75% max
Prévisions 2,23 2,41 0,00 0,60 1,40 3,05 18,20